Les Grenadières

> Quelle est l’origine des Grenadières ?

C’est dans le département de la Loire, plus précisément dans le canton de Noirétable, commune du Haut-Forez (Loire, 42), que se trouve le berceau de femmes aux doigts d’or : les Grenadières.

Tout commence à la fin du XIXe siècle quand Anne-Marie Chauvel née dans la Loire, domestique à Saint-Julien-La Vêtre, épouse dans les années 1860 à Paris Etienne Westler. C’est dans les beaux quartiers parisiens que les jeunes époux découvrent la technique de la broderie au fil d’or et qu’ils décident d’en faire leur métier.

Une décennie plus tard, ils sont de retour dans la vallée de La Vêtre. Anne-Marie y retrouve ses amies et très vite leur apprend cette technique de broderie. Avec son époux, ils décident d’en développer le commerce, principalement auprès des armées et des administrations françaises.

> Quelle Structuration pour la filière ?

La structure de la filière est celle que l’on retrouve dans beaucoup d’artisanats similaires, que ce soit la dentelle en Auvergne, ou encore la broderie blanche dans les Vosges : un facteur de fabrique fait l’intermédiaire entre les brodeuses travaillant à domicile et les maisons de confection, souvent parisiennes. Il répartit les commandes entre ses ouvrières, leur distribue la matière et les modèles à broder puis les rémunère selon l’ouvrage rendu qu’il se charge d’expédier aux donneurs d’ordre.

C’est le début d’une nouvelle activité dans le canton nétrablais, activité qui va connaître un véritable âge d’or au milieu du XXe siècle.

> Pourquoi s’appellent-elles les Grenadières ?

Très vite ces brodeuses au fil d’or sont appelées « grenadières » du nom du motif emblématique de la grenade qui marque certains uniformes militaires et qu’elles vont répéter par centaines de milliers d’exemplaires au fil des saisons et des années. Dans cette région agricole, ce nouveau travail permet aux femmes d’améliorer les revenus de la famille par un travail à domicile dont l’avantage est de pouvoir s’exercer en complément de leur activité aux champs, à temps plein l’hiver, à temps partiel aux beaux jours.

> Pourquoi il y a-t-il eu un âge d’or ?

Une organisation qui fonctionne si bien qu’au cours des décennies, marquées par la première guerre mondiale et tous ces soldats à habiller d’uniformes brodés (l’uniforme du poilu de la guerre 1914-1918 est orné de cette fameuse grenade brodée à la main), le nombre des grenadières ne cesse d’augmenter dans le canton : on en dénombre plusieurs centaines !

Au fil du XXe siècle, rares sont devenues les habitations de la région qui n’abritent pas au moins un métier à broder. Et ce qui était une activité annexe devient souvent le métier principal. Dans les années 50, cinq cents grenadières s’emploient à exécuter des séries impressionnantes pour satisfaire à la commande publique et privée : de l’uniforme du poilu de la guerre 1914-1918, la grenade passe à l’uniforme de l’armée de terre, de la douane, et de la légion étrangère. C’est l’apogée des commandes évoluant avec le siècle : on brode aussi les insignes des tenues des compagnies d’aviation et celles des préposés aux services publics : SNCF, PTT, EDF…

Mais à côté de ces séries, qu’on viendrait presque à considérer comme « ordinaires », les meilleures grenadières travaillent sur des pièces uniques et prestigieuses : uniformes de hauts dignitaires du monde entier, vêtements sacerdotaux et habits d’Académiciens. 

> A quel moment le métier va-t-il décliner ?

Dans les années 1980 cependant, le métier va commencer à connaître une période de déclin. Il se perd peu à peu avec la diminution des commandes et le changement du mode de vie. Les beaux insignes brodées à la main sont remplacés par des broderies machine ou des insignes thermocollés.

La mondialisation passe aussi par le canton nétrablais et les broderies au fil d’or sont désormais réalisées dans les pays asiatiques à la main d’œuvre peu coûteuse, avec des matériaux de piètre qualité et trop souvent à partir de mauvaises instructions de réalisation. 

> Et aujourd’hui ?

Il ne reste depuis en France que de rares brodeuses au fil d’or. Elles sont, pour la plupart, titulaires de diplômes d’Etat qui les destine à des carrières dans les milieux de la haute couture, de la création ou de la restauration.

Il y a encore peu, le canton nétrablais ne comptais plus aucune grenadière en activité. Attention : nous parlons ici de grenadières – brodeuses de pièces militaires – et non pas de brodeuses au fil d’or. Quelques-unes d’entre elles ont néanmoins accepter de transmettre leur savoir-faire à de jeunes brodeuses.

Pour faire connaitre aux plus jeunes et aux passionnés ce qu’est le travail magnifique de ces femmes aux doigts d’or, le Musée des Grenadières a ouvert ses portes en 2002 dans le Village de Cervières (Loire).

En 2012, l’association des Grenadières du Haut Forez voit le jour et vient en appui du musée par son action de promotion et de sauvegarde du savoir-faire.